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B I O

Les amateurs de jazz français peuvent dire merci à Silvio Berlusconi ! C’est grâce à son appétit du pouvoir sans partage et à son mépris de la culture, que nous avons hérité de toute une génération de jazzmen italiens, venus s’exiler à Paris dans le courant des années 90. 

Le pianiste Giovanni Mirabassi, né à Pérouse en 1970, est sans doute le plus singulier, un randonneur attiré par le chemin de crête plutôt que par les sentiers pépères. 

C’est en 2001 que le public français succombe au charme discret de son album en solo, Avanti !

D’aucuns auraient choisi des thèmes d’improvisation parmi les standards de jazz, lui préfère révéler la mélancolie cachée d’une quinzaine d’hymnes à la liberté et de chants partisans de tous les pays. Le succès critique est fracassant et le disque connaît une belle carrière internationale. 

A 31 ans, il signe enfin sa déclaration d’indépendance et hisse bien haut le pavillon pirate. Il laisse derrière lui des années

à affronter un père avocat, démocrate-chrétien pur jus, qui lui destinait une carrière dans les prétoires, un frère aîné clarinettiste de jazz peu enclin à partager sa place au soleil et les aléas d’un parcours d’autodidacte obstiné. « J’avais l’impérieuse nécessité de poursuivre mon dialogue avec la musique, entamé dès l’âge de deux ans sur le piano familial. A l’époque, c’était le seul qui me répondait quand je lui parlais. Je n’aurais pas pu être autre chose que pianiste. » 

A 7 ans, il sait jouer d’oreille tous les préludes du clavier bien tempéré de Bach, puis découvre le jazz au Festival de Pérouse, craque son argent de poche dans les disques de Monk, Miles et Blakey et forge intuitivement son style. Il s’imprègne comme une éponge des délicates harmonies d’Enrico Pieranunzi, du phrasé aristocratique de Bill Evans et de la furie rythmique des collectifs

de Mingus. 

Pourtant, même s’il a partagé la scène, l’espace d’un soir, avec Chet Baker, connu le frisson d’une tournée italienne avec Steve Grossmann et gagné quelques concours de piano, Giovanni Mirabassi peine à croire en sa bonne étoile. 

Et puis, en 1992, c’est l’exil salvateur à Paris. Là, il retrouve la diaspora italienne : Paolo Fresu, Flavio Boltro, Stefano di Battista

et surtout leur prestigieux aîné, Aldo Romano, ravi de recueillir ces oisillons tombés du nid. Là aussi, il croise par hasard un des derniers géants du piano classique, Aldo Ciccolini, qui le prend sous son aile et lui donne quelques précieuses leçons. Là encore, il tombe sur Louis Moutin et Daniele Mencarelli avec qui il enregistre un premier disque fondateur, Architectures (1998). Là enfin,

il finit par connaître la gloire avec Avanti.

Mais au lieu d’exploiter ce filon, Giovanni Mirabassi opte pour un sillon plus personnel. En accord avec ses idées politiques rouge vif,

pas question pour lui de faire du jazz commercial. Mieux vaut dérouter que faire une sortie de route esthétique.

Autonomie et partage seront ses deux boussoles. 

Les rencontres, surtout, lui serviront de guide artistique. En 2003, il écrit des compositions aériennes pour un insolite attelage piano/trombone/bugle avec ses complices Glenn Ferris et Flavio Boltro (« Air », meilleur disque de l’année décerné par

l’Académie du jazz), puis forme de 2008 à 2012 un trio régulier avec le bassiste Gianluca Renzi et le batteur américain Leon Parker pour trois albums lumineux où il renoue avec la formation reine du jazz sans se départir de sa poésie mélancolique et de son swing implacable (« Terra Furiosa », « Out of Track » et « Live at Blue Note, Tokyo »)

Sans cesse à la recherche de nouvelles sonorités, il n’hésite pas à mobiliser un orchestre à cordes pour faire chatoyer ses nouvelles compositions et sublimer son nouveau trio composé de Gianluca Renzi et du batteur cubain Lukmil Perez Herrera (VIVA V.E.R.D.I - 2009). Ou bien à convier le vibraphoniste américain Stefon Harris pour des dialogues enchanteurs en quartet (No Way Out - 2015). Tous ces projets l’installent comme un pianiste-compositeur toujours en quête de liberté et d’insolence, fidèle dans la forme à la tradition inventive du jazz et dans le fond, à son esprit contestataire. Un équilibre toujours bien accueilli

par son public et pas toujours par la critique…

Le 7e Art étant un des fils rouges de sa vie, l’oeuvre de Giovanni en est indissociable.

Après quelques expériences alléchantes, il compose dès 2015 la musique de trois films du réalisateur Emmanuel Mouret (Caprice en 2015, Mademoiselle de Joncquières en 2018, Les choses qu’on dit les choses qu’on fait, 2020), il enchaine avec Face à toi, de Stephane Freiss en 2021, puis Swing Rendez-vous de Gérome Barry en 2022.

Sa dernière composition audiovisuelle est la série télévisée Les Siffleurs, de Nathalie Marchak, qui paraitra prochainement.

 

Et puis, il y a sa passion de la voix et du chant, si perceptible dans sa main droite. Une passion qui s’exprime à travers des projets en piano solo comme Cantopiano en 2006, improvisations sur un programme de chansons françaises de Nougaro, Agnès Bihl, Gainsbourg, Jeanne Cherhal, etc… ou encore Adelante ! en 2011, enregistré à la Havane, qui, comme un écho à Avanti !, sublime des thèmes latinos-americains.

Brillant accompagnateur, il a sublimé, entre autre, les puissances expressives de chanteurs tels que Serge Lama ou Charles Aznavour.

Cette passion se manifeste aussi dans des disques piano/voix, qui marient la puissance des textes et sa sensibilité de jazzman.

Hommage à Léo Ferré avec Nicolas Reggiani (Léo en toute liberté 2004), hommage à des auteurs mal aimés comme Allain Leprest, Daniel Darc ou Philippe Léotard avec Cyril Mokaiesh (Naufragés 2015).

Des cabossés de la vie, des résistants du quotidien, des forts en gueule, tout pour lui plaire…

 

On lui doit la découverte de la chanteuse de jazz et auteure-compositrice Sarah Lancman qu'il décide de prendre sous son aile et de produire.

Cette rencontre donne naissance à un nouveau projet fou: la création, en 2017, du label discographique Jazz Eleven.

 

Fondé par et pour les artistes, le but de ce projet est simple: produire leurs propres albums de A à Z, éditer des vinyles, rééditer des anciens disques, faire connaître de nouveaux talents, organiser des concerts en France et à l’étranger.

 

Bref, être libre, indépendant et mettre à l’honneur des projets sensibles et authentiques.

 

Un des premiers disques produits par le label est celui du contrebassiste français Thomas Bramerie, entouré pour l’occasion de grands noms du jazz dont la renommé internationale n’est plus à prouver: les pianistes Eric Legnini et Jacky Terrasson ainsi que le trompettiste Stephane Belmondo y côtoient la fine fleur de la nouvelle scène jazz telle que le batteur Elie Martin-Charrière ou le pianiste Carl-Henri Morisset.

Faire se rencontrer et dialoguer différentes générations pour n’en tirer que le meilleur, voilà la marque de fabrique de Jazz Eleven.  

Du trompettiste japonais Toku en passant par la chanteuse Pamina Béroff, Jazz Eleven produit autant des artistes confirmés qu'émergents.

Entre temps, Giovanni Mirabassi a partagé la scène ou le studio avec de grands noms du jazz: Michel Portal, Henri Texier, André Ceccarelli, Marc Berthoumieux, Eliot Zigmund, Alex Sitiagin, Gene Jackson, Jesse Davis, Rosario Giuliani encore Christos Rafalidès (Silver Lining, 2022), pour n’en citer que quelques uns… !

Et outre ses apparitions en guest sur ces projets, son inspiration le guide vers des créations en solo ou en trio qui n’ont de cesse d’étonner par leur originalité.

Citons l’album Summer’s Gone, avec son fidèle trio (Gianluca Renzi & Lukmil Perez) sorti en 2018, ou encore le magnifique Mitaka Calling (2019), toujours en trio, qui met à l’honneur le compositeur des films de Miyazaki, Joe Hisaishi

Cet album donnera naissance à une collaboration avec le grand Hayao Miyazaki, lui-même auditeur de Giovanni, qui dessinera la pochette de l’album.

 

Récemment décoré du titre de chevalier des Arts et des Lettres, Giovanni continue de créer:

L'album [PENSIERI ISOLATI] a été enregistré en piano solo pendant le confinement, en mars 2020 et a paru en 2021. C’est une invitation à l’introspection, à la poésie; un projet qui crée du lien grâce aux réseaux sociaux en invitant ses auditeurs à partager leurs pensées isolées, quelqu’en soit leur forme. 

Cette entreprise devient alors une création collective, une oeuvre totale, un laboratoire d’expérimentation poétique.

 

Son dernier projet, The Swan And The Storm (sorti le 28/10/2022) est un album en quartet. Entouré du batteur Lukmil Perez, et du contrebassiste Clément Daldosso, Giovanni invite le saxophoniste Guillaume Perret à travailler l'intensité d'un dialogue entre leur deux instruments. Un projet surprenant qui prouve une fois encore que le pianiste se rend toujours là où on ne l'attend pas.

©Photo: Gilles Baumont
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